Devenir le plus grand producteur de légumes-feuilles dans l'Est de l'Amérique du Nord n'a pas été de tout repos. Retour sur les 36 dernières années.
Une des premières serres de haute technologie au Québec
La production de légumes à l’année au Québec n’était pas courante dans les années 1980. L’origine de la compagnie est le résultat d’une idée innovatrice et de la grande détermination de Luc Desrochers et sa famille. La famille Paquin avait agi à l’époque comme investisseur et actionnaire majoritaire de l’entreprise.
Issue d’un projet de recherche et de développement provenant de l’Université de l’Arizona, au début des années 1980, l’entreprise amorce ses opérations en 1987, sous le nom d’Hydroserre inc., avec la construction du premier complexe de serres à Mirabel couvrant 300,000 pi².
L’idée était de développer une habileté inégalée d’obtenir de 10 à 13 récoltes annuellement avec des méthodes de croissance uniques et exclusives. Cette technique, appelé la « technologie de culture hydroponique en eau profonde sur flotteurs mobiles » (DWC) a obtenu la reconnaissance instantanée des communautés internationales et fût présentée dans plusieurs publications.
Sylvain Terrault et Daniel Terrault ont été partie prenante dès le début de l’entreprise. Travaillant pour la famille Paquin, qui détenait 70 % des actions d’Hydroserre inc. Daniel a été l'un des actionnaires mandatés par le groupe Paquin pour les représenter. De plus, à cette époque, Daniel était partenaire minoritaire d’une entreprise de textile avec la famille Paquin, qu’il a racheté avec l’aide de Sylvain en 1997. Daniel Terrault agissait alors comme Président directeur général des Industries de lavages Dentex inc.
Sylvain, fraîchement sorti de l'université, travaillait pour la société de gestion mère de la famille Paquin, s'est mis au travail pour aider la famille Paquin à réaliser le démarrage d’Hydroserre inc. en agissant à titre de directeur des finances. L’entreprise deviendra l'une des premières entreprises serricoles à se doter d’un système d’éclairage artificiel pour augmenter la qualité et productivité en hiver. Un investissement majeur qui permettra à la serre d'être à la fine pointe de la technologie.
En 1991, un peu plus de 2 ans après le décès de M.Paquin, la famille Paquin décide, en conseil de famille, de se départir de leurs actions en vendant à un investisseur néerlandais. Sylvain Terrault fait partie intégrante des négociations. Cet investisseur venait d’acheter les serres adjacentes à Hydroserre. Il demanda à Luc Dersochers de convertir cette serre de 250,000 pi². en production de laitues, avant de décider de revendre en 1994.
Pendant 2 ans, Sylvain n’a pas été en contact avec Hydroserre. Il a continué son travail avec la famille Paquin jusqu’à la fin de l’été 1994 où il décida de quitter afin d’aller aider son père André avec son entreprise. Au début de l’automne, il reçut un appel du fondateur d’Hydroserre.
Luc Desrochers, lui demanda l’intérêt pour un poste de direction à temps plein aux serres. Sylvain accepta l'offre, à condition de devenir actionnaire et de faire partie intégrante du conseil d’administration. Il a commencé son nouvel emploi comme directeur administratif avec 2,5 % des actions et un poste d’administrateur sur le conseil. Un accord est rapidement conclu avec le Fonds de solidarité FTQ (un fonds d'investissement en capital de risques), qui acquiert 70 % des actions. 30% vont à la direction de l’entreprise soient Luc Desrochers, Martin Desrochers et Sylvain Terrault.
En 1995, Hydroserre a créé une entreprise au nom d’Hydronov inc. Son objectif était d’exporter la technologie hydroponique dans le monde entier. Luc prend en charge la nouvelle entité.
Surfer la vague
Entre 1995 et 2003, Sylvain et Martin font grandir l’entreprise à une vitesse exponentielle grâce à leurs talents respectifs. Sylvain, très impliqué dans les opérations et aux finances, et Martin, impliqué aux ventes et à la mise en marché. Sylvain réussit même à développer une nouvelle façon de maximiser les étapes de plantation et ainsi augmenter de 13 à 20 récoltes par année.
Chantal Desjardins, épouse de Sylvain et mère de Valérie et Simon, est engagée chez Hydroserre en 1996. Comptable agréée de formation, elle viendra donner une crédibilité administrative et instaurera plusieurs contrôles en vérification et comptabilité.
En 2000, Hydroserre construit un autre 250 000 pi² à Mirabel. Au cours des années suivantes, Hydroserre étend ses activités. L’entreprise conquiert des parts de ventes aux États-Unis profitant de la faiblesse du dollar canadien. Des géants de l’industrie s’ajoutent à la liste comme Costco, Hannaford et Shaw’s. Les produits sont très nichés, mais ils sont appréciés de la clientèle par son approvisionnement continu à l’année.
« Le marché américain était très profitable pour nous avec le dollar canadien. Ça nous a permis de construire une nouvelle serre à Mirabel. Avec près de 800 000 pieds carrés de production, nous avions le plus grand complexe de serres au Québec », dit M. Terrault en 2002.
L’entreprise et sa division internationale connaîtront une très mauvaise année en raison d'une augmentation de productivité de près de 50%, des dépassements de coût de construction et l’agrandissement des serres au mauvais moment de l’année.
Luc Desrochers, alors président, décide de vendre ses parts d’Hydroserre et d’acheter la division Hydronov. Martin Desrochers et Sylvain Terrault acquièrent chacun 35 % des actions d'Hydroserre en 2003, et ce, grâce à Daniel Terrault, qui avait financé l’intérim de la transaction, laissant 30 % au fonds de solidarité.
Dans les années suivantes, l’expansion se poursuit dans l’Est de l’Amérique du Nord avec des clients majeurs qui veulent de plus en plus de laitues Mirabel.
En 2004, Sylvain négocie avec la famille Lampron (Serres Rose Drummond), pour la location et la construction, d’un premier complexe de serres de laitues de 40,000 pi². Moins d’un an plus tard, la demande excède la production. Hydroserre construit 60,000 pi² additionnels à Drummondville et rénove l’édifice de service et accueil des travailleurs saisonniers temporaires. Un autre 40 000 pi² viendra s’ajouter par la suite.
En 2006, Martin Desrochers, président, et Sylvain Terrault, vice-président directeur général, rachètent le reste des actions de la FTQ et deviennent partenaires à parts égales.
Eaux troubles
La forte position sur le marché américain attire l'attention du géant de la laitue Tanimura & Antle (T & A). T & A ont acquis 50 % d'Hydroserre en 2007. Hydronov avait pour mandat de construire une serre hydroponique au Tennessee. Cependant, durant la construction T & A a été informé qu'un problème phytosanitaire inexpliqué était apparu dans les serres à Mirabel. Le partenariat a durée un an seulement et a fait beaucoup de dommage financier sans oublier la crise financière des « subprimes » et la récession qui a suivi en 2008. Il va sans dire, les dommages étaient aussi sur le moral de l’équipe.
En 2008, Sylvain Terrault avec sa conjointe de cœur et d’affaires, Chantal Desjardins et avec l’aide financière de son frère, Daniel Terrault, rachète son partenaire, Martin Desrochers, et devient l’unique propriétaire du premier producteur de laitue de serre en Amérique du Nord.
Apprendre à nager contre le courant
À l’époque, les serres de Mirabel ont connu une maladie, une mystérieuse souche de phytophthora, qui touchait les racines des laitues. Malgré ce revirement de situation, Sylvain croyait bel et bien qu’il allait réussir à redresser l’entreprise. Grâce à sa résilience, il a eu l’idée d’acheter une serre à Ham-Nord de 100 000 pi², exempte de maladie, et de la transformer avec l’aide d’Hydronov, pour implanter un système de culture en eau profonde sur flotteur mobile. Cette acquisition a sauvé l’entreprise.
Durant cette même année, Sylvain rencontre Sylvain Lefort, des Serres Lefort, qui allait lui donner un sérieux coup de main pour la production de plants de laitues sur le site de Mirabel. Malheureusement, il restera impossible de produire des laitues durant la période estivale à cause de la propagation de la maladie avec la chaleur. Terrault et Lefort s’entendent avec un contrat en partenariat afin de sous-traiter la production de laitues pour les années à venir. L’expansion des serres débutera à Ste-Clotilde : 120 000 pi² en 2010, 125 000 pi² en 2012,115 000 pi² en 2015 et finalement 230 000 pi² en 2018.
En 2019, Les Serres Lefort se retrouvent en problématique financière suite à des investissements majeurs pour de la production en serre de poivrons, tomates, concombres et mini concombres biologiques. Pour se protéger de perdre une grande partie de sa production advenant une faillite des Serres Lefort, Sylvain Terrault achète un complexe serricole de 360 000 pi² à Portneuf.
Cultiver des légumes biologiques et des transplants
C’est en avril 2020 qu’une opportunité de faire l’acquisition des Serres Lefort se présente à la famille. Hydroserre fait une offre formelle au syndic de faillite dans une proposition aux créanciers et une entente est conclue. La transaction permet la création de l’une des plus importantes entreprises agricoles au Québec. Outre son envergure, cette nouvelle entité se démarque surtout par la diversité de ses productions. En plus de regrouper deux marques de commerce majeures, Mirabel pour les laitues, VÔG pour les concombres et poivrons biologiques, la nouvelle entité approvisionnera le secteur maraîcher du Québec. En effet, ce sont 65 % des transplants de légumes utilisés chaque année par les maraîchers québécois qui proviennent de ses installations, une expertise unique des fondateurs, Sylvain Lefort et Marie-Josée Lebire, qui assurent le contrôle de la provenance de nos légumes. Ces derniers deviennent partenaires à 25% et la famille Terrault à 75%. En juillet 2022, la famille Terrault devient le seul propriétaire de l’entreprise.
Vent de fraîcheur
Avec deux marques à son portefeuille, Mirabel et VÔG, la famille décide d’entreprendre des démarches afin de ne garder qu’une seule marque et augmenter son impact marketing en magasin. Lors de recherches consommateurs, la famille réalise que les marques ont moins de notoriété qu’ils croyaient. Avec la fermeture de la serre défraîchie de Mirabel, il va sans dire que le nom de marque perd l’essence de son histoire. Après deux ans de travail, une nouvelle marque voit le jour qui reflète la génération de demain : Gen V.
La petite dernière: la tomate
En juillet 2023, Cultures Gen V fait l'aquisition des Serres Royales, situées à Saint-Jérôme. Cette transaction propulse Cultures Gen V au rang du plus grand producteur serricole diversifié du Québec, ajoutant 9 ha de tomates à sa surface de cultures actuelles, pour un total de 36 ha. Avec cette nouvelle acquisition, l'entreprise familiale s'engage à offrir une gamme toujours plus large de laitues et légumes biologiques de qualité aux consommateurs québécois.
Une famille résiliente
Sylvain Terrault a consacré la majeure partie de sa vie à redresser l’entreprise avec l’aide de ses acolytes : sa femme Chantal et son frère Daniel.
Entre 2008 et 2020, la famille Terrault s’agrandit puisque son fils Simon (directeur général), son neveu Francis (directeur de production laitues) et sa fille Valérie (directrice marketing) rejoignent l’entreprise. C’est sans pression que les enfants ont joint l’entreprise familiale étant de grands passionnés d’entrepreneuriat et d’agriculture moderne.
Notre histoire a connu des hauts et des bas, des changements de propriétaire et même une maladie dévastatrice. Aujourd’hui, tous les membres de la famille font partie intégrante de l’organisation et Sylvain, Chantal et Daniel forment les jeunes pour qu’ils reprennent le flambeau.